Vivre en pleine lumière
Se jeter dans l’abîme.
Les écrans de fumée se dissipent, vite.
La pluie drue et fine distille les vagues.
Le jour se lève.
Raymond Alcovère, extrait de L’aube a un goût de cerise, éditions N&B
Vivre en pleine lumière
Se jeter dans l’abîme.
Les écrans de fumée se dissipent, vite.
La pluie drue et fine distille les vagues.
Le jour se lève.
Raymond Alcovère, extrait de L’aube a un goût de cerise, éditions N&B
À l’exemple de la musique, le silence est fait pour les différentes heures de la vie.
Le matin, il est rougeoyant des braises de la nuit, son éclat est sombre et déjà, en son coeur, il est cendre froide.
Le silence du soir est tremblant d’attente. Il accompagne les vengeances et les séductions.
Quelquefois, pourtant, sa fièvre n’est que celle de l’observateur. On dit alors qu’il est inaperçu.
C’est la nuit que le silence déploie ses tentures les plus lourdes, ses longs velours d’orient, plis et replis, fastes et néfastes. Au fond, c’est la noce du silence et des ténèbres qui est l’ultime cérémonie.
Michel Thion, Traité du Silence (éditions Voix d’encre)
Aubre de paraulas, aubre de vent, te ses plantat au pus chaud de mon sang, e tas raiç me curan la mecha dau òs.
Mon sang e ma vita ! Si los te chau per viure. Ma saliva, mon còrs, lo vent que passa entre mas dents : los vequí.
Mon còr, mon arma, los vòles : los as. Me vequí tot, me vequí ieu, que ne sui res. Non ne sui res. Mas tu !
Mas tu ! Seràs l’aubre de fuec, lo noveu jorn ; faràs sautar de l’ombra chada chausa ela-mesma, coma jamai zo era estada.
Arbre de paroles, arbre de vent, tu t’es planté au plus chaud de mon sang, tes racines me creusent la moelle des os.
Mon sang et ma vie ! S’il te les faut pour vivre. Ma salive, mon corps, le souffle qui passe entre mes dents : les voici.
Mon cœur, mon âme, tu les veux : tu les as. Me voici tout, me voici moi, qui ne suis rien. Non je ne suis rien. Mais toi !
Mais toi ! Tu seras l’arbre de feu, le nouveau jour ; tu feras sortir de l’ombre chaque chose elle-même, comme jamais elle ne l’avait été.
Marcela Delpastre, Saumes pagans
La musique est ainsi : elle demande,
interroge avec insistance
- l’amour ? le monde ? la vie ?
Nous ne savons pas, et jamais
ne le saurons.
Comme si elle ne disait rien elle
finit par tout dire.
Ainsi : s’écoulant, brûlant jusqu’à
la fulgurance - et enfin
le silence blanc du désert.
Auparavant pourtant, comme une syllabe tremblante,
elle commence à jaillir, blesse,
caresse la plus lointaine des étoiles.
Eugenio de Andrade, Les lieux du feu
(traduit du portugais par Michel Chandeigne). Ed. L’Escampette.
(Joan-Maria Petit)
Et ma main retomba.
Il y avait tous les mots
Sur le sol de ma chambre
Comme des fleurs sauvages
Et tu t’en vêtis
Avant de t’en aller.
Un vent jaloux tourbillonnait
À la fenêtre
Qui s’était trompé de matin.
E ma man retombèt.
I aviá totes los mots
Sul ponde de la cramba
Coma de flors salvatjas
E te ne vestiguères
Abans de te n’anar.
Un vent gelòs revolumava
A la fenèstra
Que s’èra enganat de matin.
Jean-Marie Petit, extrait de Petaçon / Manteau d’Arlequin (Éditions Jorn)
Non : mon cœur deviendra une tour,
je me posterai sur ses bords :
là où il n’est plus rien, encore des souffrances,
encore l’indicible et l’univers encore.
Une chose perdue encore dans l’immense
que frappent l’ombre et la lumière,
un suprême visage encore qui désire
et rejeté dans l’insatiable,
un extrême visage de pierre
docile aux poids qui sont en lui,
que les lointains qui le tuent en silence
forcent à un croissant bonheur.
Rainer Maria Rilke : Le solitaire (Nouveaux poèmes, éd. du Seuil)
Fotosintèsi : ma sòrre la fuèlha fa son umil prètzfach de planta al lum, renovant l’èr de l’atmosfèra vièlha, mentre que ieu fau mon trabalh tan crum e material, lo de l’òme qu’asuèlha, produire una consciéncia del folhum, çò que de mòrt promesa un pauc consola, units que sèm dins una astrada sola.
Photosynthèse : ma sœur la feuille accomplit son humble tâche de plante dans la lumière, renouvelant l’air de la vieille atmosphère, pendant que moi, je fais mon travail aussi obscur et matériel, celui de l’homme qui regarde, produire une conscience de la feuille, ce qui de mort promise console un peu, unis que nous sommes dans une seule destinée.
Jean-Claude Forêt, extrait de Cants de l’octava. (Anthologie de poésie occitane contemporaine, revue Triages, 2009 - Tarabuste éditions -)
Bona annada e meilhors vòts per 2010.
Il n’y a qu’un seul jour :
le jour d’aujourd’hui
qui depuis mille ans dure
et boit déjà les mille ans qui viennent,
dans le bref éclair du bonheur.
I a pas qu’un sol jorn :
lo jorn de uòi.
que despuòi mil ans s’esperlonga
e bèu adejà los mil ans que venon,
dins lo brèu ulhauç dau bonur.
Max Rouquette, extrait de Brèus moments de bonur (Revue Europe, juin 2008)