Été
d’aquesta vida tan claufida d’ufana
ren non demòra pas que lei rebats dau temps
parpalhòlas de glòria a fiu d’aiga e de mar
ambé quand la nuech o vèn tot acaptar
dau fuòc qu’antan flambèt a la cima deis oras
leis ombras nudas coma un faisset de cendre
de cette vie si remplie de vanité
rien ne demeure que les reflets du temps
papillons de gloire au fil d’eau et de mer
avec quand la nuit vient tout recouvrir
de ce feu qui flamba autrefois au sommet des heures
les ombres nues comme un petit tas de cendres
Philippe Gardy, extrait de Mitologicas (éd. Fédérop)
NB : cette photo, comme d’autres de cette série, est faite pour être tirée en grand format (60×90 minimum). Difficile à restituer ici.
C’est aussi ça l’été chez nous… Rien de plus désolant que la nature détruite par le feu. Je suis passée au Nord du Portugal après les grands feux. C’était un paysage d’Apocalypse! Sans aller jusque là, c’est bien le cycle de la vie qu’il nous faut regarder en face… de temps en temps…
et Gardy l’exprime si bien… avec ce recul qui le caractérise.
Ces herbes sont simplement desséchées par un autre feu, celui du soleil !
le graphisme dit tout, une sorte de profond superficiel, la vue est un esprit.
Je me suis laissé également tenté par ce type d’image.
Au départ c’était : comment traduire la canicule, la sècheresse, l’été, en utilisant les lumières dures que d’ordinaire je bannis. Mais c’est une série qui avance très lentement.
Bel foisonnement déchu; Lumière profonde et intense, brutale, sans compromis.
Difficile exercice, en effet, que de travailler avec les lumières dures, mais cette image doit être impressionnante en poster !
Par contre, el duende, même si je connais assez peu l’œuvre de Philippe Gardy, et sauf votre respect, je ne suis pas certain que le poème puisse être distancié de son sujet.
Il me semble, au contraire, qu’un poète doit être immergé dans les choses, sinon il n’y a plus de souffle pour porter l’œuvre et une écriture sans souffle, ce n’est plus que du… journalisme.
Enfin, il me semble…
JPL,
Je comprends très bien ce que vous voulez dire. Bien sûr, le souffle poétique : vous prêchez une convaincue. Dans ce poème, je sens le lyrisme du poète dans le ton (et là, il est tout entier dans son sujet) mais aussi son côté “philosophe”qui prend de la hauteur par rapport à ce que j’appellerai “notre petit monde” : “aquesta vida tan claufida d’ufana”. Gardy nous dit après l’Ecclésiaste :”vanité, tout n’est que vanité sur cette terre”…
Philosophie / poésie, ces deux disciplines n’étaient pas dissociés chez les pré-socratiques. Détachement du poète ou cristal de lucidité, dont René Char nous disait si bien qu’elle “est la blessure la plus rapprochée du soleil”… ?
Philosophie ou lucidité de l’image soulignant de cette lumière aciérée les anéantissements du monde… ?
Oui, philosophie et poésie vont de pair. Je dirai même que poésie sans philosophie n’existe pas ou alors c’est de la décoration comme dit Soulages de l’art sans profondeur…
Mais le philosophe n’est pas forcément poète : disons que tous deux aboutissent à la même lucidité par des voies différentes : la raison d’une part, l’affect de l’autre.
Quand à la beauté inhérente à l’art, elle est quand même présente, sans l’avoir recherché, dans la perfection d’un raisonnement.